La 5e vignette de la page 51 des ”Bijoux”

Bonjour et tout d’abord Bravo! Votre ouvrage est tout simplement superbe et très riche: vos interprétations vont à l’essentiel et livrent un beau regard sur l’oeuvre de Georges Rémi. Pour ma part, il y a toujours eu une case qui m’a fascinée dans les Bijoux de la Castafiore: page 51, 5ème vignette: Tintin découvre plus qu’intrigué un piano sans son pianiste où les gammes résonnent pourtant à répétition.

Magie du faux-semblant, art de la scène, piège sonore traduit sur le papier en un relevé typographique, Hergé faisait décidément très fort. Car on les entend ces notes, familières, chez ce pauvre Wagner qui n’en peut plus de “jouer” les pianistes accompagnateurs de la diva….

Je trouve cette figuration d’une audace extraordinaire: par cette fenêtre à gauche arrive le héros. Le monde extérieur et donc le réel est derrière lui à présent, voilà qu’il pénètre dans l’univers du simulacre et des apparences bien trompeuses. Dans la salle, il n’y a qu’un piano qui attend, préoccupant, habitant presque exclusif, et le jeune homme l’aborde avec méfiance comme pris au piège d’un méchant mécanisme. En seulement trop cases, il s’agit d’une véritable parade entre l’homme et ce qui devient une machine d’harmonie. Lorsqu’enfin le héros retourne vers la fenêtre pour retirer l’échelle, la machine imperturbable continue d’émettre les sons identiques. Des sons qui ne cesseront qu’au crépuscule, page 53….

N’est-ce pas là que réside tout l’art de Hergé: éduquer notre regard en même temps que troubler notre perception et en bouleverser la logique interprétative?

Madame Tati

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