Il y a une vie entre les albums

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Bon, je voudrais comprendre ! Pourquoi le capitaine est pris d’une frayeur aussi soudaine quand dans les couloirs de l’hôtel Sznôrr à Szohôd, capitale de la Bordurie, il voit apparaître Bianca Castafiore ? C’est pas normal. On nous cache des trucs, moi je vous le dis.

Reprenons. Première apparition de Bianca, sur la route qui mène à Klow. Souvenez-vous : Tintin s’est fait éjecter de l’avion, il est tombé dans un botte de foin, il a porté plainte à la gendarmaskaïa dont le commandant, Wizskizsek, est un traître au Roi, et il grimpe dans la charrette d’un paysan. Arrivés à l’auberge de la Couronne, Tintin, descend de la charrette, remercie le brave paysan et s’approche du chauffeur d’une grosse limousine bleue et lui demande s’il pourrait l’accompagner à Klow, en expliquant qu’il est très pressé. Le chauffeur ne peut naturellement pas prendre cette décision et entre dans l’auberge où sa patronne et son accompagnateur finissent de déjeuner. La dame un peu forte, élégante dans son manteau d’astrakan et portant crânement un bibi rouge sur ses cheveux blond, accepte bien volontiers de rendre service à ce jeune homme qui paraît tout à fait honnête.

Et nous voilà dans la voiture. « Oui, je chante ce soir au Kursaal de Klow… Vous plairait-il de m’entendre ?… » Tintin ne connaît pas encore le nom de la cantatrice, nous-mêmes ne l’apprendrons qu’en écoutant la radio avec le commandant Sprbodj. Mais Tintin, à ce moment-là, dors en prison, et c’est seulement la voix de « Marguerite » qui le réveille.

Bref, dans la voiture, à la première audition de cette voix, Tintin, fortement commotionné, préfère descendre de la voiture. « J’aurais inventé n’importe quoi pour lui échapper ». Franchement, l’épreuve a du être terrible car, si l’on veut bien s’en souvenir, notre reporter est porteur d’une information de la plus haute importance. Il est urgent qu’il prévienne le Roi. Or, que fait-il ? Il préfère continuer à pied ! Fin de la première rencontre entre Bianca Castafiore et Tintin puisque ce dernier, entrant par une porte fenêtre dans le grand salon du palais, interrompt brutalement le concert sans avoir pu approcher le Roi, et moins encore la cantatrice qui s’est évanouie. D’ailleurs, qu’aurait-il eu à lui dire ?

Bianca Castafiore revient sur le devant de la scène au Music-Hall de Bruxelles. Tintin se souvient de l’avoir rencontrée « lors de l’affaire du Sceptre d’Ottokar », Haddock la trouve « formidable », et c’est Milou qui, cette fois, craque ! Les voici en coulisses pour aller saluer… le général Alcazar, alias Ramon Zarate. Etrange, non, que Tintin n’en profite pas pour rendre visite aussi à la chanteuse d’opéra que le capitaine a trouvé « particulièrement en voix ce soir ». Cela lui aurait certainement fait très plaisir de lui être présenté.. Ah, il est vrai qu’il ne veut pas rater le numéro du prestidigitateur. Après tout, c’est pour lui qu’il est venu !

Passons sur la très courte apparition de Bianca dans L’Or noir où la radio du senor Oliveira de Figueira diffuse l’un de ses récitals, et venons-en à la question, à L’Affaire donc.

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Nous sommes dans les couloirs de l’hôtel Sznôrr à Szohôd, capitale de la Bordurie. Les « deux ostrogoths », qui ont pour nom Kronick et Himmerszeck vont conduire Tintin et Haddock vers leur chambre quand, le capitaine s’écrie : « Oh… Vite… Cachez-vous !… ». Qu’est-ce qui diable peut provoquer une frayeur aussi soudaine et intense ? La simple apparition de Bianca Castafiore QU’IL NE CONNAIT PAS PERSONNELLEMENT, puisque en tout et pour tout, il ne l’a vue que sur scène ?

Est-il possible que ce soit seulement parce qu’à « chaque fois que je l’entend, je pense à ce cyclone qui s’est un jour abattu sur mon bateau, alors que je naviguais dans la mer des Antilles… » ? Mais la diva passe là dans le couloir en toute discrétion, seulement accompagnée (normal, c’est son accompagnateur) de son fidèle et dévoué Wagner ? Sa réaction n’est pas normale, elle est disproportionnée. Y’a un truc.

Et puis quoi ! Le soir même à l’opéra, alors que Tintin circule dans les coulisses au milieu des comédiens et du pompier de service, comment se fait-il que la Castafiore, alors qu’elle vient juste de sortir de scène, qu’elle doit être fatiguée, puisse s’écrier : « Mais je ne me trompe pas… c’est Tintin ! Bonjour mon jeune ami ! Quelle joie de vous revoir ici ! » Mon jeune ami ! Elle l’a vu en tout et pour tout une demi-heure à peine, dans un voiture, en Syldavie, il y a plusieurs années ! Certes, Tintin est célèbre, il est très médiatisé, encore plus depuis qu’il a été le premier homme à poser son pied sur la lune, mais de là à manifester une telle joie, une telle familiarité… Et à prendre ces risques insensés pour les sauver du colonel Spontz !

Enfin, vous ne trouvez pas qu’elle en fait beaucoup devant Tintin, avec son « Monsieur Paddock », alors que la capitaine, au comble du trouble, est incapable de se présenter ? Elle et lui voudrait dissimuler à Tintin qu’ils se connaissent, ils ne s’y prendraient pas autrement.

Bon, je ne veux pas en tirer de conclusion hative, mais moi, je vous le dis, il y a une vie entre les albums, on nous cache des choses, c’est certain.

4 commentaires pour "Il y a une vie entre les albums"

  1. Vous indiquez qu’avant la rencontre du Capitaine Haddock et de la Castafiore, le capitaine ne l’avait jamais vue, or, si je ne me trompe, il a eu l’occasion de la voir et de l’écouter au music-hall dans “Les 7 Boules de Cristal”, prestation qui fut interrompue par Milou. Certes les 2 personnages n’ont pas eu l’occasion d’échanger un mot mais les faits sont là, le Capitaine avait eu l’occasion de l’apercevoir et, Tintin lui avait même précisé avoir eu l’occasion de lui être présenté.

  2. Vous avez tout à fait raison, et c’est bien ce que j’écris, je crois, en précisant : “La simple apparition de Bianca Castafiore QU’IL NE CONNAIT PAS PERSONNELLEMENT, puisque en tout et pour tout, il ne l’a vue que sur scène.
    Et le fait que Tintin ait indiqué au capitaine l’avoir déjà lui-même rencontrée, ne justifie pas, selon moi, sa panique !
    Thomas

  3. Oui Haddock n’avait vu la Castafiore que sur scène, mais il l’avait vu 16 fois, puisqu’il déclare à Tintin qu’il a assisté à toutes les représentations de l’illusionniste Bruno depuis 15 jours : il a donc entendu la Castafiore tous les soirs pendant 15 jours et une seizième fois avec Tintin, bien qu’à ce moment là l’audition a été écourtée par les hurlements de Milou.
    Il y a de quoi être traumatisé, non ?

  4. Un traumatisme peut-il conduire à un amour inavoué - à soi-même comme à l’être aimé” ? Dans ce cas, j’accepte le mot “traumatisé”. En tout cas, votre remarque est judicieuse. Merci !
    Thomas